Retraites : un calcul inéquitable pour les Français de l’étranger

La loi sur la réforme des retraites soulève un tollé. Pour les Français installés hors de France - ayant partagé leur carrière entre l’hexagone et l’étranger - elle suscite de nombreuses inquiétudes. La retraite française ne sera plus versée avant 64 ans et la durée de cotisation pour obtenir une retraite à taux plein augmentera de 167 à 172 trimestres.

Calcul, salaire de référence, âge de départ : en pratique, les Français de l’étranger n’ont pas les mêmes droits que ceux qui ont effectué toute leur carrière en France. Ni pour le calcul de Revenu Annuel Moyen (RAM), ni pour la validation de toutes leurs périodes de travail et donc la détermination de l’âge de leur retraite à taux plein. La perte de droits pour les années cotisées en France est très importante pour certains. Par ailleurs, les retards pour percevoir sa retraite française deviennent insupportables pour des personnes ayant travaillé toute leur vie, mais dont une partie de la carrière a été effectuée hors de France.

Ainsi, certains pays traitent les dossiers de retraite dans les délais et les pensions sont versées dès que le re- traité y a droit. La pension de base française est payée après de très longs délais, parfois avec plus d’une année de retard et la retraite complémentaire française avec beaucoup plus de retard encore. La communication des caisses de retraites est insuffisante pour les carrières internationales et les conseillers des centres d’appels -souvent pas ou peu formés sur les carrières internationales - ne sont pas en mesure d’aider les expatriés.   

Les Français de l’étranger victimes d’injustices :

1. La retraite des personnes ayant travaillé moins de 25 ans en France n’est pas calculée à partir des meilleures années. Or c’est désormais le cas pour la retraite des agriculteurs. Pourquoi ne pas faire la même chose pour les Français de l’étranger aux carrières sur plusieurs pays ou les femmes aux par- cours hachés ? Seront-elles les seules personnes à être discriminées ?

2.  Les années de travail et de cotisation, dont le salaire annuel est trop faible, ne provoquent pas une augmentation mais une baisse de la re- traite si leur salaire annuel est pris en compte dans le calcul du Revenu Annuel Moyen (RAM). Le conseil d’orientation des retraites (12e rap- port) a montré comment cette situation provoque une diminution du RAM qui n’est pas compensée par le ou les trimestres validés par ces années. Les années de faible salaire annuel (job étudiant, éducation des enfants, service militaire, recherche d’emploi, maladie ou encore années travaillées dans plusieurs pays) n’augmenteront pas la retraite. Elles peuvent même la diminuer ou ne provoquer qu’une augmentation dérisoire de la retraite, sans aucun rapport avec le montant des cotisations.

3. Lorsque leurs périodes de travail à l’étranger ne sont pas validées par la Caisse Nationale d’Assurance Vieillesse (CNAV), les Français aux carrières plurinationales  doivent  choisir  entre une  retraite   à   taux   plein   reportée de 62 à 67 ans ou une décote allant jusqu’à 25% selon le nombre de tri- mestres  non  validés.  Le montant   touché en France dépendra du nombre de trimestres cotisés en France, mais ce sont les trimestres validés tous pays confondus qui détermineront l’âge de la retraite ou le taux servant au calcul de la pension versée. Or la validation des périodes de travail à l’étranger n’est pas systématique : si la réglementation européenne et les accords bilatéraux le permettent, en pratique il y a bien des obstacles. Quand l’accord ne concerne que certaines catégories professionnelles. Quand la caisse de retraite étrangère n’envoie jamais de relevé de carrière. Quand la carrière est effectuée dans plusieurs pays étrangers ayant des accords avec la France, mais qu’un seul accord est pris en compte. Quand toutes les périodes qui auraient dû l’être n’ont pas été validées par la caisse de retraite du pays étranger. Quand les validations dans les pays étrangers se font sur des critères beaucoup plus restrictifs qu’en France. Quand la décision de prendre sa retraite est reportée à tort, parce que le relevé de carrière de la CNAV n’a pas été mis à jour en fonction du relevé de carrière étranger.

Des solutions existent pour rendre le calcul de la retraite des carrières courtes et des carrières hachées plus équitables :

  • En calculant le RAM à partir d’un même pourcentage des meilleures années quelle que soit la durée de la carrière 
  • En éliminant du calcul du RAM les salaires annuels trop faibles (s’il en reste) qui peuvent provoquer une perte de droits à la retraite 
  • Des années de travail à l’étranger ne seront pas validées, une solution équitable doit être trouvée pour déterminer l’âge de la retraite à taux plein ou la décote des Français de l’étranger

Attention

A.  Travailler et cotiser en France, n’augmente pas forcément la retraite. Cela peut aussi provoquer une diminution de la retraite française 

B.  Il ne faut pas se fier aux estimations de la CNAV pour décider de l’âge de la retraite, généralement elles ne sont pas à jour en fonction des carrières étrangères 

C. La réglementation Européenne et les accords bilatéraux ne permettent pas un calcul du Revenu Annuel Moyen plus équitable et ne permettent pas nécessairement un âge de la retraite ou un taux plus équitable

Benoit Marin Cudraz, 

Conseiller des Français de l’étranger (Irlande)