Comme chaque automne, le Parlement Français se penche sur le budget de l’État pour l’année à venir dont les programmes spécifiquement fléchés pour les Françaises et les Français établi·es en dehors du territoire national.

Sous l’impulsion du groupe Écologie et Solidarité les six président·es de commission de l’Assemblée des Français de l’Etranger (AFE) ont travaillé de concert dans le cadre de l’analyse du Projet de Loi de Finance 2024 (PLF). Après avoir désigné une commission d’étude transpartisane, les représentant·es de l’AFE se sont prononcé·es à l’unanimité. Le verdict est sans appel, après une étude détaillée du projet gouvernemental : le budget proposé ne correspond pas aux ambitions annoncées par le gouvernement. 

Inflation et dépréciation de l'Euro

Dans le projet du gouvernement pour le budget 2024, le montant global annoncé pour les affaires sociales est de 21,5 millions d’euros. Selon le rapport adopté par l’AFE : « Les crédits en 2024 se calent sur les dépenses réelles de 2023 mais ne prennent pas en compte l’inflation mondiale en 2024 […] L’inflation mondiale, qui impacte directement les Françaises et Français de l’étranger et implique que lignes budgétaires stables sont en réalité en baisse »   

« Si nous tenons compte des fortes tensions inflationnistes dans le monde et des besoins importants pour réarmer le ministère de l'Europe et des affaires étrangères. Les tensions budgétaires risquent d'être importantes pour les affaires sociales, les bourses, pour l'Agence pour l’enseignement français à l’étranger et les Instituts français. »  Renaud Le Berre président de la commission Budget à l’AFE

  « L’AFE demande que le Gouvernement procède à une revalorisation de tous les dispositifs d’aides sociales pour les Françaises et Français de l’étranger au regard de l’inflation constatée. »   

AIDES À LA SCOLARITÉ (BOURSES SCOLAIRES ET BOURSES AESH)

Si les crédits alloués à l'aide à la scolarité, tels qu'indiqués dans le Projet de Loi de Finances, augmentent de 105,75 millions d'euros à 119,5 millions d'euros, soit +13,75 millions d’euros. Mais il est essentiel de relativiser cette hausse, car ces montants correspondent une fois de plus aux besoins constatés en 2023. Ainsi, le budget pour 2024 ne fait que s'ajuster aux dépenses réelles plutôt qu'aux prévisions budgétaires de 2023.  

Cependant, le développement souhaité du réseau de l'AEFE, par le Président de la République, entraînera une augmentation du nombre de demandes de bourses. La hausse des frais de scolarité continuera d’avoir un impact important sur le montant des bourses, un certain nombre d’établissements étant contraints d’augmenter leurs frais d’écolage, fragilisés par la situation économique locale et l’inflation. L’inflation impacte qui plus est les dépenses parascolaires : une estimation faite sur les établissements en gestion directe (EGD) montre un niveau d’inflation moyen de 10%, qui masque néanmoins d’importantes disparités.

Les élu·es de l'Assemblée des Français de l'étranger mettent en garde dans leurs avis, soulignant l’ « insuffisance de la dotation budgétaire de financement des exonérations de droits de scolarité ».    

Caisse des Français de l’étranger

La Caisse des français de l’étranger remplit une mission de service public. En tant que Caisse de Sécurité sociale, elle permet à chacun d’être couvert sans limite d’âge ni questionnaire médical. 

Grâce à son système unique de catégorie aidée, elle permet également à de nombreux·ses Français·es aux revenus modestes d’accéder à une couverture médicale. Pour autant, dans une ère post Covid, au regard du changement profond des modes d’expatriation et de l’inflation impactant de manière significative le coût des prestations, la Caisse ne peut assumer à elle seule cette charge.

"Nous, administratrices et administrateurs de gauche, soutenu·es par l’ensemble des parlementaires écologistes souhaitons que l’intégralité du coût de ce dispositif soit financée par l’État. Or, sa contribution actuelle reste inférieure à 10% en dépit des engagements passés. De plus, nous voulons que sa promotion en soit assurée largement et publiquement. Nous sommes attaché·es à ce dispositif qu’il faut à la fois pérenniser et promouvoir afin que chaque personne éligible puisse en bénéficier." Pierre-Yves Dupuis, élu consulaire sur Hong Kong et administrateur de la CFE

La subvention qui finance la protection sociale de solidarité des Français·es de l’étranger les plus vulnérables affilié·es à la Caisse des Français de l’étranger (CFE) n’est que de 380 000 Euros. Le bilan financier de la Caisse des Français de l'étranger pour 2022 a suscité une préoccupation généralisée. Bien que la viabilité financière de la sécurité sociale des Français·es de l’étranger ne soit pas remise en cause à court terme, la diminution de ses réserves pourrait devenir une source d'inquiétude. En dépit de l'équilibre global de l'institution, conforme aux dispositions qui la régissent, le coût de son volet "aides sociales" est insuffisamment compensé par l'État. 

Ainsi, ce sont les affiliés qui supportent largement le poids de la solidarité nationale. Les 380 000 euros alloués dans le budget 2024 pour cette mission de service public ne représentent même pas un dizième des dépenses engagées par la CFE dans ce cadre (4,6 millions d’euros évalués pour 2024). « Le mécanisme [actuel] ne permet pas à la CFE une gestion pérenne des montants consacrés à la solidarité nationale. »   

La CFE elle-même demande à l’Etat de réévaluer sa participation financière.  

Le programme 151 et les Français·es hors de France 

Avec une population en dehors des frontières nationales approchant les 3 millions, les missions de l'administration consulaire ont connu une diversification et une intensification au cours des dernières années. Bien que l'annonce de 165 équivalents temps plein soit faite par le gouvernement, tant les parlementaires que les élu·es consulaires expriment des préoccupations concernant leur répartition. Trop souvent les faibles hausses budgétaires ne sont absolument pas fléchées pour la mise en place de moyens humains afin de garantir des services publics de qualité au sein du réseau consulaire et au service des Français·es de l’étranger. En 2023 par exemple, sur les 100 postes créés, seulement 18 avaient été alloués au renforcement des services publics consulaires, une goutte d'eau en considération des moyens humains nécessaires. 

« Nous demandons, au sein du programme 151, un renforcement des effectifs sur les services publics consulaires, la concentration de création de postes à l’étranger au service de nos concitoyens, en particulier au service de l’action sociale consulaire. » Avis de l'AFE sur le budget 2024

Par ailleurs nos élu·es déplorent que l'accent semble donc une fois de plus principalement mis sur le déploiement de nouveaux services numériques tels que France Consulaire. De nombreux élus expriment des inquiétudes quant à l'accentuation de la fracture numérique résultant de cet effort.

Le programme 185 ou la culture française à l’étranger 

Le budget dévolu au rayonnement culturel français à l'échelle mondiale se trouve au sein du programme 185. Il englobe les subventions associées aux frais de fonctionnement de l'AEFE, des Alliances françaises et des Instituts français.  

L’AFE […] regrette la stabilisation de la subvention de l’Institut français

En effet, les subventions allouées à l'Institut français demeurent stables à 28,3 millions d'euros, ce qui équivaut en réalité à une diminution de leurs véritables moyens d'action. Une fois de plus, les responsables de ces institutions devront trouver de nouvelles sources de revenus afin de préserver leur mission dans les pays où elles opèrent.